Prague
On peut vouloir Prague comme on convoite un bijou, sans la moindre certitude et en cela plus précieusement encore. Et puis un jour les roues quittent l’asphalte, l'avion coupe en quartier le ciel qui vire de l'ocre occidental au nacré de la Bohême et se pose au bout du monde tant on sait en y foulant le sol qu'enfin on est arrivé! Des quatre saisons aucune ne surpasse l'autre, et chacune est la meilleure tant par sa blancheur cristalline de janvier que par sa paresse étouffante de juillet. En plein hiver on se chausse fourré, on se doudoune moelleux et l'on suit le nez au vent, tantôt le guide écrit bleu ou vert, tantôt l'un des accompagnateurs du groupe qui passe.
Prague est en fête perpétuelle car la musique y a sa maison : les places, les rues où nous surprennent et nous ravissent des chanteurs et des musiciens, des virtuoses anonymes et "habités". On sillonne la vieille ville et l'on s'égare sans jamais se perdre entre la cathédrale Saint-Guy, le sublime château de l'éperon rocheux et l'intimidant quartier juif. Petite et majestueuse Prague a cousu le roman au baroque nous la donnant à sentir parfois latine et surtout flamande. Ses toits ocres et verts, ses façades colorées, richement sculptées donnent la réplique aux ruelles serpentines bordées de logis miniatures. Il y a dans l'air des relents de vin chaud et des gâteaux brûlants et des saucisses revigorantes. Rien ici ne serait vraiment étonnant même si on croisait en traversant le pont Saint Charles, Mozart venu pour un concert. D'ailleurs ces dames descendent de taxi en robe de soirée, longues bien sûr, et rentrent dans l'un des innombrables opéras de la ville. Plus tard encore tout émerveillé on s'échappe et l'on soupe sur les bords de la Vltava où le 21ème siècle s'est enraciné hissant Prague au faîte de la modernité.