Où vas-tu?

Marcheur

Hormis la caste des poissons cartilagineux et osseux, le règne animal pour se déplacer est contraint de marcher. Pour apprendre le monde il rampe d’abord, attaché au sol rassurant, collé au dos de la terre qui le lui fait bien rond.

Puis le petit se lasse des habitudes. L’environnement lui tend les bras que sa mère lui retire et alors il s’arrache du plancher, goûte à la chute providentielle qui l’invite à lutter. Et de répétitions en répétitions il marche ! Étonné lui-même d’être le moteur d’un déplacement inattendu. Debout il tient en respect la masse inerte d’objets posés là pour le servir. A la verticale il domine l’espace et explore l’horizontale. Lui, bien droit, fait de sa marche un dessin géométrique, comme  une équerre mobile en exploration.

Marcher tel le pèlerin, tel le marathonien ou le travailleur, le promeneur du quotidien…c’est aller plus loin que le présent, à la découverte d’un mystère. En quête du mur et de la limite qui freineront l’élan de sa trajectoire. Car ce qui importe n’est pas tant le mouvement que ses motivations. La valeur de la pérégrination tient par ce qu’elle offre d’objectifs à atteindre. Gravir les marches peut être…. Idée que le verbe « marcher » intrinsèquement recèle. Ce qui impliquerait que marcher c’est inéluctablement s’élever.

Monter engendre un regard modifié sur le paysage. Idem pour « marcher » dans le sens « sortir de soi ». S’éloigner et prendre la distance nécessaire à la vision globale est une invitation à paradoxalement se connaître mieux. Ainsi de celui qui arpente le globe mais aussi de celui qui simplement fait le tour de son jardin. L’un comme l’autre dans cette parcelle d’inconnu cueillent la grâce de l’instant et l’éphémère vérité de l’existence.

Faut-il donc être bien portant, valide et déterminé pour marcher ? Non les jambes du mouvement sont avant tout la curiosité et l’imagination. A celui qui les détient l’univers est accessible.